Portrait de chercheuse : Nathalie Braun

Nathalie Braun, professeure de mathématiques au lycée Rosa PARKS de Thionville et également chargée de mission à la CARDIE, a récemment soutenu sa thèse de doctorat. Comment est-elle arrivée à cette soutenance, quel est son parcours et quelles sont ses réflexions ? Ce sont autant de questions que nous lui avons posées pour inaugurer cette nouvelle rubrique dédiée aux « parcours de chercheurs. »

Frédéric : Nathalie, tu viens de soutenir ta thèse intitulée « Apprendre pour enseigner les raisonnements mathématiques à travers les jeux mathématiques, une approche par la communauté de pratique mathématique pour l’enseignement ». La première question sera simple : qu’est-ce qui a déclenché l’envie de se lancer dans un tel projet ?

Nathalie : l’idée de faire une thèse s’est imposée pendant mon M2 d’ingénierie de formation, en 2021-2022, centré sur la question du bien-être en maths, dans la continuité du CAFFA passé en 2020-2021.

Dans mon parcours d’enseignante, j’ai ressenti le besoin d’aller plus loin afin de développer les apprentissages des élèves et d’identifier des pratiques innovantes.

Une question, restée longtemps sans réponse pleinement satisfaisante, m’accompagnait : comment les élèves peuvent-ils développer du plaisir en mathématiques ? Cette réflexion a également pris forme grâce à des rencontres importantes, notamment avec mes tuteurs de mémoire de M2, dont Thomas Lecorre, qui travaillait sur le bien-être à Cergy.

Frédéric : en parlant de parcours professionnel, il me semble que le tien est très varié. Peux-tu nous en dire un peu plus ?

Nathalie : en effet, mon parcours professionnel m’a permis de découvrir de nombreuses facettes du métier d’enseignant. J’ai d’abord été contractuelle en maths-sciences en bac pro pendant trois ans, puis professeure des écoles pendant deux ans, en maternelle puis en élémentaire, avant de passer le CAPES de mathématiques.

J’ai ensuite effectué mon année de stage au collège de Thionville et j’ai été titularisée au lycée Colbert. J’y enseigne toujours aujourd’hui, c’est devenu le lycée Rosa PARKS. En parallèle, j’ai diversifié mes missions suite à une inspection qui m’a permis d’intervenir en tant que formatrice en 2019. J’ai obtenu le CAFFA en 2020, avant de devenir chargée de mission à la CARDIE en 2021. Actuellement, je suis référente culture scientifique, technique et industrielle au sein de la DAAC, ainsi qu’administratrice des tests internationaux pour les IA IPR de mathématiques.

Aujourd’hui, ma manière d’enseigner se caractérise par une démarche innovante, centrée sur l’autonomisation des élèves, notamment à travers des pratiques fondées sur le jeu. Parmi les difficultés du quotidien que j’ai voulu transformer en objet de réflexion, il y a la faible motivation de nombreux élèves en classes technologiques et la recherche de solutions pour les mobiliser.

Enfin, au fil des années, mes élèves m’ont appris un point essentiel : la dimension émotionnelle est une brique centrale pour enseigner.

Frédéric : Peux-tu maintenant nous parler du sujet de ta thèse, du lien que tu as pu faire entre les recherches et la classe et nous détailler ta méthode de travail ?

Nathalie : alors, le sujet de ma thèse est au final assez simple : j’ai étudié une communauté de pratiques de professeurs de mathématiques qui apprennent ensemble à enseigner les raisonnements mathématiques à partir du jeu.

L’idée, c’est d’éclairer un problème très concret : comment les élèves apprennent, qu’est-ce qui influence ces apprentissages, et comment le bien-être entre aussi en jeu. En parallèle, un jeu a été conçu autour des raisonnements mathématiques pour les élèves.

Le lien avec la classe est très présent dans ma façon de travailler : j’ai changé ma manière de concevoir l’enseignement, notamment avec l’utilisation de jeux en classe, et aussi dans l’accompagnement des équipes à travers des communautés de pratiques.

Pour éviter les biais, ce n’est pas avec mes propres classes que j’ai travaillé, mais dans un autre collège. J’ai constaté que le vrai frein n’est pas un conflit entre théorie et terrain : c’est surtout le manque de temps des enseignants, ce qui rend la collaboration plus difficile.

Sur ma méthode de travail, j’ai adopté une posture un peu particulière : je suis restée non interventionniste au sein de la communauté de pratique, pour éviter au maximum les biais, même si on sait qu’ils sont inévitables en recherche. J’ai donc suivi les cinq phases de cette communauté dans une approche qualitative.

Sur le plan éthique, tout a été anonymisé pour protéger la confidentialité des personnes, qu’il s’agisse d’élèves ou de collègues. Je me situe clairement dans une posture de praticien-chercheur, et le point le plus délicat à « tenir juste », c’est de m’adapter aux contraintes propres à la communauté de pratique des professeurs.

Frédéric : peux-tu nous dire comment tu as mené ta thèse en parallèle de tes autres fonctions, ce que ça t’a demandé au quotidien, ce que tu en retiens, et à quoi ça va servir pour la suite ?

Nathalie : mener la thèse et l’enseignement de front a été une question d’organisation et d’endurance : je n’ai pas eu de congé de formation, donc j’ai beaucoup travaillé pendant les vacances scolaires et le week-end.

Ce qui a été le plus dur, c’est cette gestion du temps et la fatigue. Mais, paradoxalement, le plus complexe arrive peut-être maintenant avec la qualification de MCF (Maître de Conférences).

Ce qui m’aide à tenir, c’est mon directeur de thèse, la direction de mon établissement, ma famille et mes amis.

Et une « bonne semaine », quand tout s’aligne, peut ressembler à une journée très dense : cours, réunion parents-professeurs, rectorat, sortie scolaire, et en plus cours à l’université à Cergy en visio.

Dans ce parcours, mon premier vrai moment de fierté, ça a été de présenter mes recherches pour la première fois, lors d’un congrès de didactique des maths à Montpellier, pendant la deuxième année d’une thèse menée sur trois ans. À l’inverse, il y a eu des moments de doute importants, et là encore, ce qui m’a aidée, ce sont mes directeurs de thèse. En devenant chercheuse, j’ai aussi appris des choses très concrètes en didactique des maths, que je peux mettre en place dans mon enseignement.

De plus, en restant professeure, j’ai découvert à quel point il était difficile de devenir MCF, et à quel point le monde de la recherche est rythmé par les congrès, les rencontres et les colloques.

Enfin, en termes d’impact, j’aimerais que cette thèse serve concrètement aux professeurs, et aussi au ministère, notamment pour la formation continue. D’ailleurs, j’ai répondu à un appel de l’UNESCO pour présenter ma démarche.

Ce que j’espère changer, même modestement, c’est la manière dont on pense les dispositifs de formation continue, en développant des communautés de pratiques, qui ne sont pas mises en place en France comme elles peuvent l’être dans le monde anglo-saxon.

Pour la suite, je me projette vers la qualification de MCF, et j’ai aussi des articles en attente : pour l’instant, je n’en ai publié qu’un en comité de lecture, le reste étant plutôt des chapitres d’ouvrages ou des articles scientifiques.

Frédéric : merci Nathalie pour toutes ces précisions et encore bravo pour ce parcours très riche ! Pour conclure, que souhaiterais-tu que les lecteurs de cet entretien retiennent en quelques mots, et que dirais-tu à un collègue qui souhaite se lancer dans une démarche similaire ?

Nathalie : alors, même si la fatigue est présente, c’est très stimulant. Je voudrais surtout que les collègues retiennent qu’en mathématiques il y a des émotions positives à mobiliser pour favoriser les apprentissages ! Pour un collègue qui souhaite se lancer dans une thèse, je lui dirais : « Fonce, mais oublie tes vacances ! »

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